Normalisons le handicap – avec A. Melotti
Une conversation avec Audrey Melotti, consultante en communication inclusive
Audrey est consultante freelance en stratégie de communication digitale et inclusive. Elle utilise son expertise et son expérience personnelle du handicap pour sensibiliser et accompagner les entreprises dans leurs démarches. Sur son compte Instagram, L’actu silencieuse, elle vulgarise des notions complexes comme le validisme.
Dans cette interview, Audrey m’a expliqué son objectif de normaliser le handicap et comment la société et les entreprises peuvent favoriser l’inclusion. Nous avons aussi échangé sur le militantisme, les réseaux sociaux, la santé mentale et la représentation des personnes handicapées dans les médias et le cinéma, un sujet crucial pour changer les mentalités.
Enfin, Audrey m’a proposé un lexique pour comprendre des termes souvent mal compris, comme "crip culture", "handiwashing" et "déconstruction". Ce lexique clarifie des concepts essentiels et nous aide à mieux appréhender ces enjeux. Il est disponible en bas de l’interview.
Validisme, normalisation du handicap et inclusion
A quel moment tu as découvert le validisme ?
J'ai toujours eu un fort caractère. Même petite, je considérais que les regards qu'on portait sur moi, les remarques qu’on me faisait, ce n’était pas normal. Mon handicap je le vivais bien mais j’avais pas envie d’être stigmatisée. J’ai souvent évité les milieux handicapés pour ne pas être catégorisée. Puis j’ai compris vers 18 ans que ce problème portait un nom : le validisme. Et que c’était les normes validistes sociétales le coeur du problème, la discrimination systémique.
C’est quoi ton objectif de militante ?
Mon objectif, c’est de normaliser le handicap pour contribuer à l'inclusion des personnes handicapées. Ça nous permet d'être intégrés de base, qu’on ne se pose plus de questions, que les aménagements soient là et que chacun puisse en bénéficier sans avoir à en demander l’accès.
Je vais te donner un exemple. Dans mon collège, pour accéder aux toilettes pour les personnes handicapées, il fallait que je demande la clef de l’ascenseur qui y menait. Je devais la demander à chaque fois que j’en avais besoin. S’il y avait eu des toilettes accessibles aux personnes handicapées à tous les étages, je n'aurais pas eu à faire ça, ni à me justifier. Quand les aménagements sont pris en compte de base, ça supprime tout ça. Et on gagne un temps immense. D’où l’importance de normaliser le handicap.
Tu m’as parlé de ton engagement envers les femmes musulmanes. Quels défis communs tu perçois avec les personnes handicapées ?
C’est vrai qu’à la base, ma cible, c’était plutôt les entrepreneuses musulmanes. Parce que quand on se lance, il vaut mieux choisir une cible qu’on connaît. Moi je connais les femmes musulmanes et les personnes handicapées. Et il y a beaucoup de défis communs comme la charge mentale, la posture entrepreneuriale, le syndrome de l’imposteur, l’auto-sabotage…
J’ai remarqué que ça touchait principalement les femmes. Sur les réseaux sociaux, elles s’exposent à beaucoup de haine. À partir du moment où une femme voilée communique, on ne voit plus que son voile. Elle n’est plus que ça. Les femmes musulmanes sont aussi souvent plus précaires, comme les femmes handicapées. Ça peut être plus difficile de trouver du travail ou des clients. Il y a aussi l’investissement qu’on fait pour sa religion ou sa santé qui peut demander du temps. Ça demande de l’organisation. J’aime bien l’idée de rassurer les femmes de ces communautés, parce que je les comprends. Je pense que c’est ce que je fais de mieux à l’heure actuelle.
Mais si on élargit, ce qui m’intéresse c’est l’inclusion en général. Donc, j’accompagne tout type d’entrepreneuses et aussi parfois des entreprises et des écoles dans le cadre d’ateliers et de conférences.
Communication inclusive sur le handicap en entreprise
En tant qu’entreprise, comment on fait pour normaliser le handicap ?
Une chose simple qu’on peut faire, c’est communiquer sur l’accessibilité de ses événements. Si l’entreprise ne le fait pas, moi, en tant que personne handicapée, je suis obligée d'aller me renseigner. Je dois parfois me justifier au téléphone en parlant de mon handicap. Il n’y a aucun respect de ma vie privée parce que c’est vu comme quelque chose d’anormal.
Tout le monde pense que c’est rare, que ça ne touche pas tant de personnes que ça, mais c’est complètement faux ! C’est juste que les personnes concernées n’ont pas que ça à faire d’appeler pour avoir ce genre d’informations. Du coup ça les exclut automatiquement.
Si l’évènement n’est pas accessible, il faut le dire. Ça nous évite de perdre du temps à chercher l’information.
Par où commencer pour faire de la communication inclusive ?
La communication inclusive ne concerne pas que le handicap, mais la diversité au sens large. Mais si on s’intéresse à l’inclusion du handicap, il faut se pencher sur l’accessibilité des contenus éditoriaux. On doit faire attention aux éléments de langage à utiliser, ou à ne pas utiliser. Attention aux représentations visuelles aussi. L’inclusion, ce n’est pas juste mettre la photo d’une personne en fauteuil sur son site. Il faut penser à tous les types de handicap pour éviter les clichés.
Comment on peut représenter le handicap invisible ?
De façon normale, dans la réalité de ce que c’est pour quelqu’un de concerné au quotidien. Parce que quand on dit invisible, c’est pas tout à fait juste. C’est parfois subtil, mais pas vraiment invisible.
Par exemple, si on fait des photos d’entreprise de son équipe, on peut laisser les fidget toys posés sur un bureau.
Ce sont de petits objets à manipuler qui peuvent être d'une grande aide pour les personnes autistes, anxieuses ou avec des difficultés de concentration. Ça permet de gérer son stress en offrant une distraction sensorielle, voire émotionnelle.
Ce genre de photos, ça peut faire partie des stratégies de normalisation du handicap. Ce sont des représentations justes, sans en faire des caisses.
Comment une entreprise doit répondre sur les réseaux sociaux quand on lui signale un problème d’accessibilité ?
Une grosse erreur que je vois souvent en communication, c’est la suppression des commentaires négatifs ou le fait de ne pas y répondre. Il ne faut vraiment pas faire ça. Votre crédibilité va en prendre un coup, ce n’est pas professionnel. Ça peut suggérer que vous ne maîtrisez pas votre sujet ou que vous vous en fichez.
Si on vous fait une remarque pertinente ou s’il y a de la déception, il faut répondre. Normalement, dans votre ligne éditoriale, vous devriez l’avoir prévu. Donc on reprend ces éléments, on essaie de les humaniser pour pas qu’on ait l’impression que ce soit un robot qui réponde. Et il faut toujours privilégier l’honnêteté. S’il y a une erreur, on l’assume et on s’excuse. C’est aussi simple que ça. Et si on n’a pas de réponse immédiate, on explique qu’on va se pencher dessus et recontacter la personne au plus vite avec des détails. On n’adopte pas la stratégie de la cape d’invisibilité, ça ne marche pas.
Et bien sûr, on remonte le sujet en interne. On le traite. Et s’il faut, on va chercher des gens qui savent pour nous accompagner.
L’expertise technique en accessibilité semble s'améliorer. Mais je ne suis pas sûre qu’on comprenne bien le handicap pour autant. Une bonne démarche de sensibilisation, ça ressemble à quoi ?
Il faut juste que les personnes valides nous écoutent. Ça ne sert à rien d’essayer de mettre les gens en situation pendant une heure avec les yeux bandés. Ça n’a aucun sens. Ce n’est pas ça l’expérience du handicap. Ce genre d’activités, ça sert juste à renforcer les stéréotypes. Il suffit d’avoir un peu de bon sens, d’empathie, d’écouter.
Par exemple, on peut imaginer une table ronde en entreprise où des personnes handicapées partagent leurs expériences auprès de personnes valides (RH, référent handicap…) en lien avec le validisme. L’objectif est d’adopter une écoute active, comprendre et imaginer des solutions ensemble. Les gens peuvent être choqués par ce qu’ils vont entendre. Souvent, c’est en lien avec les propos qu’on a pu tenir devant nous, ou à des violences verbales ou physiques. Il y en a plus que ce qu’on croit.
Militantisme sur les réseaux sociaux et santé mentale
Est-ce que quelqu’un de valide peut militer pour l’accessibilité ?
C’est vrai que c’est nous, les personnes handicapées, qui vivons la discrimination, la violence, l’exclusion, la maladie, etc. C’est dans nos corps et nos têtes qu’il se passe quelque chose. Mais chaque lutte a besoin d’alliés. Parfois c’est plus facile d’avoir des personnes qui peuvent prendre le relais.
Par exemple, c’est intéressant quand le community manager n’est pas directement concerné par la cause qu’il ou elle défend, parce que ça protège un peu de l’affect qu’on peut y mettre. Ça touche toujours, mais pas de la même façon.
Si la cause est commune, ça aussi, ça normalise le handicap. Si on veut l’inclusion, on doit le faire ensemble. Et puis mettre les personnes valides à l’écart de cette lutte, ça va juste entretenir leur validisme.
Pourquoi certains militants adoptent un ton de voix vindicatif ? Est-ce que c’est la bonne méthode pour convaincre les indécis ?
Ça dépend du contexte. Quand j’accompagne une entreprise, j’ai un discours pédagogique. Mais sur mon compte Instagram dédié au handicap et au validisme, c’est du militantisme, donc je prends moins de détours.
Il y a des collectifs militants qui vont utiliser des méthodes plus engagées, parce que c’est une manière de faire appel aux émotions des gens, susciter de la colère, et mettre le focus sur l’injustice de la situation. Ce sont des collectifs qui assument le fait de secouer la fourmilière parce qu’on en a marre aussi de réclamer poliment. Et puis le politiquement correct, ça ne marche pas toujours.
Donc pour chaque type de profil (entreprise, asso, institution…), il y a un ton de voix différent à adopter, en fonction des objectifs recherchés et du ciblage, et c’est normal. On ne peut pas appliquer la même ligne éditoriale partout. Il faut faire preuve de flexibilité.
Quand on est très vindicatif, c’est surtout pour parler aux gens déjà convaincus, pour leur donner de l’énergie. Ça n’a pas pour but de convaincre les gens ou de les éduquer.
Entre professionnels engagés, j’ai l’impression qu’on ne se pardonne pas grand chose sur les réseaux sociaux.
Tout dépend du contexte encore une fois. Si c’est une personne en particulier qui fait quelque chose sans savoir que c’est problématique… c’est mieux de la corriger, en privé, et toujours de façon bienveillante. Tout le monde fait des erreurs, c’est normal. J’en fais aussi. Si ces remarques ne sont pas entendues, on peut se contenter de ne pas faire appel à cette personne, ou de ne pas la recommander. Rien ne justifie jamais le harcèlement en ligne.
Par contre dans le cas d’une entreprise, d’un média ou d’un collectif, c’est un peu différent. Il y a des médias spécialisés dans le handicap qui ignorent les commentaires sur le manque d’accessibilité de leur contenu. C’est assez connu et ça fait des années que ça dure… À un moment donné, on peut se poser la question du boycott de ce média.
Si le focus de ton entreprise c’est justement le handicap, tu ne peux pas te permettre de ne pas mettre d’alt sur tes images porteuses d’information. Ce n’est pas cohérent, et c’est irrespectueux ! Surtout quand on parle de choses simples à mettre en place. C’est normal de ne pas tout savoir. Mais on peut aussi se faire accompagner si on ne sait pas régler le problème. On ne peut pas se contenter de dire “je ne sais pas”. Il y a des gens qui savent, on va les chercher.
Est-ce que c’est aux personnes handicapées d'interpeller ces médias ?
Je pense en effet qu’il faudrait que la communauté handicapée soit plus engagée sur ces thématiques, plus politisée. Si on ne donne pas notre avis, c’est malheureusement logique qu’il ne soit pas entendu. On doit batailler pour tout de toute façon, c’est comme ça que les choses avancent. En maintenant le rapport de force. Mais le handicap c’est un sujet qui concerne tout le monde, de façon directe ou indirecte. On va vieillir, perdre en autonomie, c’est comme ça. Les accidents du travail, de la route… Ça arrive aussi. Donc c’est un effort collectif à faire, y compris de la part des personnes valides.
Représentation du handicap dans les médias
Tu as des exemples de communication efficace pour parler de handicap sur les réseaux sociaux ?
Ce qui peut être intéressant c’est de coupler une action médiatique sur les réseaux avec une action juridique. Il y a deux mois, j’ai assisté à la projection d’un documentaire, organisée par l’association Droit Pluriel. Le documentaire montrait le parcours juridique de deux personnes aveugles, dont Arthur, un homme expulsé brutalement d’un supermarché à cause de son chien guide. Si l’altercation au supermarché n’avait pas été filmée et partagée sur les réseaux, peut-être qu’il n’y aurait pas eu de procès, que la plainte n’aurait jamais abouti.
En postant ces images sur les réseaux sociaux, les personnes peuvent aussi trouver un avocat pour se défendre. Parce qu’il faut bien avoir en tête qu’une action juridique c’est très coûteux. Ce n’est pas parce que quelque chose est illégal qu’on va obtenir justice facilement. Ça coûte de l’argent, du temps, de l’énergie. L’engouement sur les réseaux sociaux a dû aider.
En parlant de documentaire, que penses-tu de la représentation du handicap dans les médias ?
Je crois que c’est moins de 1% des personnes représentées dans les médias qui sont handicapées. On peut se demander si un jour on verra quelqu’un présenter le journal télévisé en fauteuil, ou une personne aveugle. Pourquoi le JT n’est pas toujours traduit en langue des signes ?
On peut se poser la question dans les médias mais aussi au cinéma. Est-ce qu’on est obligé de prendre des personnes valides pour jouer des personnes handicapées à chaque fois ? Je ne pense pas. Surtout que ça se voit qu’ils ne sont pas handicapés !
En revanche, il y a un secteur qui propose plus de diversité maintenant c’est la pub. Dans ces formats courts, on montre de plus en plus de personnes trisomiques, de personnes en fauteuil, de personnes amputées… Et leur rôle n’est pas que celui de la personne handicapée. C’est juste un paramètre parmi tant d’autres. Bon, par contre, je ne vois jamais de béquilles. Je ne me sens représentée nulle part. Bref, j’espère que cette diversité dans les formats courts va encourager les formats plus longs à faire pareil. Parce que cette représentation contribue aussi à la normalisation du handicap.
Est-ce que tu t'accordes des limites dans ton militantisme ? Tu le vis comment au quotidien ?
C'est un peu difficile pour être honnête. On peut aller très bien certains jours, être très motivée et avoir l’impression qu’on va soulever des montagnes. Et il y a d’autres jours où le moindre commentaire négatif, ça va m'impacter énormément.
Je me préserve en évitant certains contenus. Par exemple, je n’ai pas vu le film d’Artus “Un p’tit truc en plus”. Je ne sais pas comment je réagirais. Peut-être qu’il est bien. Peut-être que ça va me traumatiser. Pour moi, le handicap c’est très sérieux. Les blagues sur les handicapés, ça ne me fait pas rigoler. J’ai pas envie d’être triste ou vexée en le regardant.
Donc je pense que quand on est militant, il faut savoir éviter ce qui pourrait nous affecter. Si tu n’as pas envie de rentrer dans le militantisme vindicatif, il vaut mieux aller dans la sensibilisation ou le milieu associatif. Mais pas les associations gestionnaires. Il y a d’autres types d’associations qui font très bien leur travail.
Le lexique culture du handicap par Audrey Melotti
Association gestionnaire
Une association gestionnaire est une organisation qui gère des établissements ou des services dédiés à l'accompagnement de personnes en situation de handicap. Ces associations peuvent, par exemple, administrer des instituts médico-éducatifs (IME), des établissements et services d’aide par le travail (ESAT), des foyers d’hébergement, ou encore des maisons d'accueil spécialisées (MAS). Elles ont souvent une mission de service public et reçoivent des financements publics pour gérer ces structures.
Ce qu'en pense Audrey
L'ONU recommande la fermeture des institutions et a déjà épinglé la France à ce sujet. Autre chose que je trouve problématique c’est que l’État a largement délégué la gestion du handicap à ses associations. Et un autre problème, c’est qu’on entend souvent dire qu’elles représentent les personnes handicapées ; or c’est faux.
L'ONU dit bien que “les représentants des personnes handicapées sont les personnes directement concernées et sans conflit d'intérêt.”
La différence entre des assos gestionnaires et des assos comme Les Dévalideuses ou Droit Pluriel réside dans leur mission, leurs objectifs et leur approche du handicap. Tandis que les associations gestionnaires gèrent des établissements ou des services pour les personnes handicapées, les associations militantes ont des vocations politiques ou éducatives, avec une approche plus orientée vers les droits, la sensibilisation et l’inclusion.
Crip (ou crip culture
Un terme qui fait partie de la culture handicapée. Le terme Crip dans la communauté handicapée renvoie à la réappropriation d’un terme bien plus péjoratif “cripple” qui veut dire estropié, boiteux, infirme, invalide. L’utilisation du terme Crip s’étend au-delà de l’inclusion de tous les handicaps en intégrant des membres d’autres groupes qui ont été historiquement invisibilisés et ignorés, telles que les personnes handicapées racisées, les personnes handicapées faisant partie de la communauté LGBTI, celles étant linguistiquement différentes, ainsi que beaucoup d’autres identités intersectionnelles.
Extrait du site des Dévalideuses
Déconstruction
Processus d’analyse critique des normes, valeurs, pratiques, ou idéologies dominantes qui sont souvent considérées comme évidentes ou naturelles par la société. Cela consiste à remettre en question des concepts ou des représentations qui ont été historiquement façonnés par des rapports de pouvoir, de domination ou des stéréotypes.
Déconstruire implique d'examiner et de questionner les fondements des idées reçues, afin de révéler les mécanismes sociaux, historiques ou culturels qui les ont produits, pour démontrer qu’elles ne sont ni universelles, ni inévitables.
L’objectif est de montrer comment ces constructions sociales influencent les comportements, les interactions et les structures de domination.
Handicapé
Plusieurs définitions existent :
Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant.
Extrait de la loi n° 2005-102 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
Le handicap est, selon le modèle social, tout ce qui impose des restrictions aux personnes handicapées, du préjugé individuel à la discrimination institutionnelle, des bâtiments publics inaccessibles aux moyens de transport inutilisables, de l'éducation ségrégative aux dispositions de travail qui excluent... En outre, les conséquences de cet échec ne tombent pas simplement et par hasard sur des individus, mais de façon systématique sur les personnes handicapées comme groupe, qui fait l'expérience de cet échec comme une discrimination institutionnalisée dans toute la société.
Extrait de Understanding disability: from theory to practice par Michael Oliver
Handiphobie
Aversion ou attitude hostile envers les personnes handicapées.
Handiwashing
Terme inspiré du concept de "greenwashing", qui désigne une stratégie de communication trompeuse utilisée pour se donner une image responsable ou inclusive sans que cela se traduise réellement dans les actions concrètes.
Appliqué au domaine du handicap, le handiwashing désigne donc des pratiques où une organisation, une entreprise ou une institution affiche un engagement apparent envers l’inclusion des personnes handicapées, tout en ne prenant pas de mesures significatives ou en continuant à perpétuer des discriminations.
Inspiration porn
L'inspiration porn c'est la représentation de personnes handicapées en tant que sources d'inspiration, exclusivement, ou en partie sur la base de leur handicap. Ce terme a été inventé par Stella Young, une militante pour les droits des personnes handicapées, en 2012. Elle rejetait l'idée selon laquelle les personnes handicapées qui exercent des activités ordinaires devraient être considérées comme extraordinaires uniquement en raison de leur handicap.
Les critiques de l’inspiration porn font valoir que cela présente les personnes handicapées comme différentes, qu'il met en scène le handicap comme un fardeau (plutôt que de se concentrer sur les obstacles sociétaux à l'inclusion), et que la réduction des personnes handicapées au statut de source d'inspiration les déshumanise.
Institutionnalisation
Placement de personnes en situation de handicap dans des structures spécialisées, comme des foyers ou des établissements médico-sociaux, où elles vivent séparées du reste de la société. Ce système repose sur l’idée que les besoins des personnes handicapées doivent être gérés dans un cadre collectif, souvent standardisé, où les individus perdent une grande partie de leur autonomie au profit d’une prise en charge uniformisée. Bien que ces institutions aient historiquement été mises en place pour fournir des soins ou un hébergement, elles sont souvent critiquées pour leur rôle dans l’isolement social des résidents et leur incapacité à répondre à des besoins individuels et variés.
La Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), adoptée par l’ONU en 2006, encourage une approche fondée sur les droits humains et s’oppose à l’institutionnalisation.
L’article 19 de cette convention affirme que les personnes handicapées ont le droit de vivre de manière autonome, d’être incluses dans la communauté et d’avoir accès aux mêmes opportunités que les autres citoyens.
L’institutionnalisation est perçue comme une violation de ces droits, car elle prive les individus de la possibilité de choisir leur lieu de vie, leurs activités ou leurs relations. Elle peut aussi entraîner des abus, un manque de dignité et une déshumanisation.
Masking
Masking ou « camouflage » en français, est un terme utilisé principalement dans le contexte des troubles neurodéveloppementaux pour décrire une stratégie utilisée par les personnes concernées afin de dissimuler leurs comportements, émotions, ou réactions qui ne sont pas jugés conformes aux attentes sociales ou aux normes établies.
Cela peut inclure la suppression de certains traits ou comportements considérés comme « atypiques » pour paraître plus « normaux » ou mieux intégrés dans la société. Ça peut être le contrôle des expressions faciales tout comme le fait de minimiser ou de dissimuler des émotions ou des besoins et imiter les comportements attendus.
Théorie crip
La Crip Theory considère le handicap comme une identité valable devant être reconnue et célébrée. Elle reconnaît aussi l’importance de l’intersectionnalité entre le handicap et toutes les autres façons de s’identifier. Ce faisant, la Crip Theory reconnait l’exclusion historique de différents groupes présents dans la communauté handicapée (par exemple, les personnes racisées, gay, lesbiennes, transgenres) comme une conséquence de l’oppression intériorisée dans la communauté handicapée. La Crip Theory rejette la hiérarchisation des handicaps (une gradation d’importance, opposant entre eux les différents groupes de personnes handicapées), ce qui encourage la fragmentation de la communauté handicapée, érode la culture handicapée, et exclut un grand nombre de personnes de participer à la communauté handicapée et à la société.
Extrait du site des Dévalideuses
Valide
Le terme "personne valide" est utilisé pour désigner une personne qui n'a pas de handicap reconnue selon les critères médicaux ou sociaux. Elle est perçue comme étant "normale" ou "sans limitation" en termes de capacités physiques, mentales ou sensorielles, par rapport à une norme sociale et médicale dominante.
Validisme
Une oppression pouvant prendre la forme de discrimination, de préjugé ou de traitement défavorable contre les personnes vivant un handicap. Ce système de valeurs, fortement influencé par le domaine de la médecine, place la personne valide, sans handicap, comme la norme sociale.
Les personnes non conformes à cette norme doivent (ou tenter de) s'y conformer, ou se trouver en une situation inférieure, moralement et matériellement, aux personnes valides. La Convention relative aux droits des personnes handicapées définit l'absence d'accommodement raisonnable en faveur de personnes non valides comme une discrimination fondée sur le handicap.