Design et autisme
Le Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) fait partie des neurodivergences, comme le Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDA/H) ou le Haut Potentiel Intellectuel (HPI). Beaucoup de personnes autistes ont d’ailleurs aussi un TDA/H, et / ou un HPI. Et comme les autres neurodivergences, ce n’est pas une maladie.
L’autisme est un ensemble de troubles neurologiques qui peuvent provoquer des comportements répétitifs et affecter la communication ou la conscience sociale, la gestion des informations et des sens, ainsi que les capacités neuromotrices. Une personne qui n’aurait qu’un seul de ces troubles n’est donc pas autiste. Ce qui permet de poser un diagnostic d’autisme, c’est le nombre et l’intensité de ces troubles. C’est ce qu’explique Angi Guyard dans son talk “Comment intégrer au mieux une personne autiste en entreprise ?”.
Même si chaque personne autiste est unique, j’ai trouvé des parallèles intéressants entre le TSA, le design, et les critères du Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA). Voici donc quelques pistes à explorer pour mieux prendre en compte l’autisme dans vos projets.
Posez des questions claires dans vos formulaires
Pour une personne autiste, les règles sociales implicites peuvent être difficiles à saisir, notamment en ce qui concerne le niveau de détail attendu dans une réponse. Soyez donc précis dans vos questions et les options de réponse.
Par exemple, inutile de proposer un champ libre pour répondre à la question "Avez-vous fait des études ?". La question étant ambigüe, une personne autiste pourrait détailler tout son parcours scolaire et les intérêts spécifiques qu’elle a développés dans son temps libre. Si vous souhaitez seulement connaître son dernier diplôme, demandez plutôt "Quel est votre niveau d’études ?" avec des réponses comme Bac, Licence, Master, Doctorat ou Sans diplôme.
Le langage clair bénéficie non seulement aux personnes autistes mais à tous vos utilisateurs. Je vous renvoie également au critère 11.2 du RGAA sur la pertinence des étiquettes de saisie dans des champs de formulaire.
Respectez la loi de Jakob
Les gens ne passent pas tout leur temps sur votre site. Mais quand ils y sont, ils s’attendent à ce que ça fonctionne comme sur les autres sites. C’est la loi de Jakob. Ce principe fondamental de l’UX design est essentiel pour le design neuroinclusif. On peut d'ailleurs y voir un parallèle intéressant avec la rigidité comportementale de certaines personnes autistes, qui ont besoin de routine et préfèrent la stabilité.
Votre site doit donc être cohérent avec Internet en général et sur ses pages internes. Ça inclut une navigation qui reste au même endroit sur toutes les pages, des icônes qui gardent leur sens habituel (comme le hamburger pour un menu), et une façon d’identifier les liens qui reste la même (par exemple, couleur ou soulignement constants). Respecter ces codes du digital aide vos utilisateurs, y compris autistes, à se repérer facilement.
Évitez les pop-in qui s’affichent automatiquement
Juliana Pontois, ancienne consultante en accessibilité, a mené une étude sur ce qui rend un site inaccessible aux personnes autistes. Deux des personnes interrogées mentionnent les “modales qui pop”, qui prennent “l’ensemble de la fenêtre” et qui peuvent leur faire “fermer le site”. D’autres parlent des éléments qui “flashent comme des vidéos ou des images”.
Veillez donc à ce que l’ouverture d’une nouvelle fenêtre ne soit pas déclenchée sans action de l’utilisateur (critère 13.2 du RGAA). Assurez-vous aussi que tout contenu en mouvement ou clignotant soit contrôlable par l’utilisateur (critère 13.8 du RGAA). Pensez notamment aux pop-ins pour les cookies, les newsletters et les publicités.
Préférez un design minimaliste
Les personnes autistes peuvent avoir des sensibilités sensorielles variées, allant de l'hypersensibilité à l’hyposensibilité. L’hypersensibilité peut se traduire par une faible tolérance aux stimulations sociales, une difficulté à suivre une conversation à cause du bruit de fond mais aussi une capacité naturelle à repérer des changements dans l’environnement que les autres n’ont pas remarqué. Et dans le cas de l’hyposensibilité, la personne peut ne pas remarquer des signaux visuels importants sur une page.
Comment intégrer ces contradictions en design ? Optez pour un design épuré. Évitez les éléments stressants comme les comptes à rebours qui peuvent générer de l’anxiété. Privilégiez la divulgation progressive des informations, en ne demandant qu’une chose à la fois et en évitant les gros pavés de texte. En simplifiant l’écran et en ne conservant que les informations essentielles, vous aidez vos utilisateurs à gérer le volume d’informations et à éviter de se perdre dans la navigation.
Les choix graphiques pour l’interface utilisateur
Voici quelques conseils pour les designers UI. Nikolay Pavlov, professeur à l’Université de Plovdiv en Bulgarie, les a répertoriés pour concevoir des interfaces pour les personnes autistes :
Typographie
- Utilisez au maximum deux polices différentes sur le site,
- Choisissez des polices lisibles comme Arial, Helvetica ou Times New Roman,
- La taille du texte ne doit pas être inférieure à 14px,
- Évitez la justification du texte et l’utilisation de l’italique,
- Ne coupez pas les mots au bout d’une ligne, même avec un tiret.
Contraste et couleurs
- Ne pas utiliser de texte blanc sur fond noir. Le texte noir sur fond blanc est plus facile à lire,
- Optez pour des couleurs pastels afin de réduire la surcharge sensorielle,
- Évitez les contrastes trop marqués, comme le noir sur blanc, qui peuvent être inconfortables pour certaines personnes autistes.
Formatage des informations
- Restituez les dates en toutes lettres,
- Séparez les numéros de téléphone selon les habitudes de lecture ("01 02 03 04 05" plutôt que "0102030405"),
- Utilisez les chiffres dans leur version numérique plutôt qu’en toutes lettres (par exemple, "278 loups" plutôt que "deux-cent soizante-dix-huit loups"),
- Évitez les chiffres romains.
Si vous trouvez que ces règles peuvent s'appliquer à n'importe qui, c'est normal. C'est le principe du design universel. Comme quoi l'accessibilité, ça arrange vraiment tout le monde.
Plus de ressources sur le TSA
- Extraordinary Attorney Woo sur Netflix : cette série sud-coréenne met en scène une brillante avocate autiste, qui plonge souvent dans des situations d'isolement social. C’est devenu la série non anglophone la plus regardée de Netflix un mois après sa sortie.
- L’autisme au féminin : quand on parle d’autisme, on pense plus souvent aux hommes qu’aux femmes. Les femmes autistes sont-elles inexistantes, moins nombreuses ou simplement moins visibles? Le livre d’Adeline Lacroix propose un état des lieux des recherches en psychologie et neurosciences sur les femmes autistes.
- Pourquoi on ne dit plus “autiste Asperger” : bien que certaines associations continuent à utiliser cette dénomination, elle est rejetée par de nombreux autistes en raison du passé nazi du docteur Hans Asperger.